Développer nos capacités de manœuvre individuelle et collective via la (dé)formation ?

21 octobre 2024

Extrait d’un article du Hors-série Horizons Publics, publié en juillet 2024.

Alors que notre réalité est largement bouleversée, que s’invite dans notre monde des défis sans précédent, il nous faut repenser nos manières de faire en profondeur. Mais comment penser différemment les scenarios d’avenir et les processus pour y parvenir avec un logiciel basé sur le paradigme de l’abondance ? La formation est un axe stratégique majeur pour relever le défi des transitions en ce sens qu’elle doit nous permettre d’envisager la complexité des situations, de poser collectivement les problématiques et de s’autoriser à engager des démarches à contre-courant des modèles dominants.

Le Collège développe des actions de formation articulées avec son programme d’action-recherche pour proposer des cadres d’analyse aux acteurs, les accompagner sur le chemin des innovations territoriales et analyser les processus coopératifs. Nous proposons aujourd’hui un parcours de (dé)formation, des formations-actions sur les modes de vie, des modules « Repères et outils pour l’action » pour se situer et engager des démarches en termes de coopération, de stratégies territoriales de transition, en lien avec les tiers-lieux, en matière d’implication citoyenne…

Le Parcours de (dé)formation du Collège TES existe depuis 2013. Il constitue le point de départ du Collège, le premier mouvement en lien avec les acteurs des transitions écologiques et sociétales en Pays de la Loire. Il est aujourd’hui connu et reconnu pour sa qualité, son ton décalé, son invitation à une aventure collective, humaine, profonde, au cœur de soi et des dynamiques sociales à l’œuvre quand on engage les transitions. Si l’on parle de déformation, c’est pour inviter au pas de côté, entrer dans une analyse de nos cadres culturels, sociaux, personnels, organisationnels, et inviter ainsi notre créativité dans le bal pour s’autoriser individuellement et collectivement à engager les transformations dont nous avons besoin. Cette « déformation » s’accompagne évidemment d’un mouvement de « reconstruction » qui se nourrit des apports des sciences humaines et sociales mais aussi de la résonance qu’offre l’espace de partage de la formation.

Une expérience à vivre convertie en capacité à faire 

Le parcours s’adresse aux « pilotes des transitions et des coopérations », pierre angulaire des stratégies territoriales de transition. Le pilote est en situation d’animer les dynamiques et les coopérations sur les territoires vers un changement des modes de vie. Il peut occuper une place, un poste, un métier différent : chargé de mission climat-énergie, élu d’une intercommunalité, maire d’une commune, accompagnateur de collectivités en transition pour un bureau d’étude, DGS, directeur de service ou associatif… Mais à son endroit, quel qu’il soit, il joue ce rôle de mise en lien des personnes, des services, des organisations. Il est attentif à la qualité du dialogue, il engage des coopérations, il suscite les questionnements collectifs et prend soin des collectifs, maille déterminante des dynamiques de transition.

Les promotions du parcours sont constituées d’acteurs d’origine diverses : collectivités locales, associations, entreprises, établissements d’enseignement supérieur… La diversité des auditeurs est nécessaire pour permettre le croisement de regards et toucher du doigt la complexité des situations, intérêts, représentations qui sont au cœur des dynamiques de transition. Le parcours se définit comme « une expérience à vivre convertie en capacité à faire ». Il s’agit donc de proposer une expérience engageante qui permette aux auditeurs de réaliser un travail personnel authentique à propos des transitions : histoire, positionnements, représentations. Il s’agit par ailleurs d’offrir une expérience collective impliquante à travers les travaux de groupe, la vie collective, la convivialité, le climat d’écoute et de bienveillance. Le parcours doit permettre de s’approprier les différents registres des transitions (social, culturel, politique, organisationnel…), ainsi que de nouvelles formes de conduite de projets de transitions. Enfin, au travers de dispositifs de réflexivité, les auditeurs initient un travail d’analyses de leurs pratiques professionnelles et positionnements, pour envisager d’autres manières de faire.

« Face à la complexité et à l’imbrication des enjeux, j’ai appris à travers ces quelques mois de (dé)formation que le « salut » viendrait du mouvement (l’expérimentation, l’action) et du lien (la coopération, le lien au vivant, l’ancrage, les différentes formes de solidarité). Je dirais donc que grâce aux nombreux échanges, aux expériences des intervenants, à l’authenticité des moments vécus, j’ai gagné en sérénité. »

Le parcours de (dé)formation : quatre grands sujets ou registres

Les sessions de formations sont construites dans une logique de regards croisés entre les différents intervenants. Aussi, elles s’engagent comme un dialogue, entre les intervenants et avec les auditeurs. La formation se structure autour de quatre grands sujets ou registres. On y trouve d’une part la question de la réinscription de nos sociétés dans le vivant. On y trouve ensuite un volet sur les stratégies systémiques et les projets multi-dimensionnels (qui dépassent donc les enjeux thématiques, de publics, mais embrassent la complexité et invitent à l’innovation sociale territoriale). Puis vient la question de la coopération au cœur de toutes les dynamiques, décisive pour engager les actions et surtout le changement. Enfin, la formation aborde la question du leadership et de la capacitation des groupes et des personnes (mettre en capacité) et des gouvernances collectives.

« J’ai mis au travail l’écologie personnelle, le fait de prendre soin de moi devant cette solitude du leader. Ce travail devra se poursuivre, comme celui de la confiance en moi. Je serai aujourd’hui plus attentive à ce nécessaire « décentrage / recentrage », de façon à ne pas « dériver » vers le pouvoir qui n’organise pas la capacitation collective. »

Les pilotes des transitions et des coopérations doivent être des « accoucheurs de capacités collectives »

Les auditeurs qui parlent de leur « expérience (dé)formative » évoquent le plus souvent en premier lieu l’aventure, ou le voyage, qu’elle leur a offert. Si ces termes peuvent surprendre, loin de la grammaire des compétences, il révèle pourtant une aspiration profonde des personnes/acteurs : celle de (re)prendre leur souffle et de la hauteur, de tisser des liens et de s’accorder un espace de partage pour être à la hauteur des défis. La question de la confiance est au cœur du processus apprenant. Pour cela, nous mettons en place des règles de confiance dans l’exercice la parole, celles du non jugement et de la confidentialité. « La régularité de nos rencontres a permis de dérouler un processus soutenant, et l’analyse collective de nombreuses situations m’a aidée. Le groupe a constitué une sorte de communauté de ressourcement ».

En s’engageant dans une découverte d’autres manières d’être au monde et d’entrer en relation avec le vivant sous toutes ses formes, via les apports de l’anthropologie et le témoignage de Florence Brunois Pasina en particulier, les auditeurs approchent la question de l’attention : attention à soi, aux autres, au monde ; et en corollaire celle des interdépendances. « La session sur le vivant m’a bouleversée. J’ai pris conscience de la nécessité de vivre l’altérité pour réellement la prendre en considération, ainsi que les interdépendances. »

 » Le ver de terre est venu à moi et ne m’a plus quittée ; monde de l’invisible, travail souterrain j’appartiens parmi des milliards d’invisibles à la grande cohorte des lombrics du changement. Ma lecture de notre rapport au vivant est plus avisée mais le chemin est encore long pour pouvoir en parler plus facilement avec les collègues, les élus, sans être regardée de travers. »

Si la formation propose des cadres d’analyses innovants et documentés pour « faire les transitions », elle propose par ailleurs en fil rouge une analyse réflexive partagée de la question des postures et de l’éthique de la relation, pour prendre conscience de ce que l’on engage dans les actions de transition et pour tenter de se mettre à hauteur de tous, au-delà des clivages. Ce choix politique et pédagogique permet aux auditeurs de cheminer à partir d’eux-mêmes, de leurs trajectoires et aspirations, mais aussi de leurs difficultés concrètes. « Il s’agit bien d’une (dé)formation qui amène à « introspecter » sa manière d’agir au sein d’une organisation. J’ai vécu cette (dé)formation, non pas strictement comme un temps d’apprentissage d’enseignements concrets, techniques, méthodologiques, de connaissances sur le sujet des transitions, mais plus comme un temps d’apprentissage sur l’importance de ma posture et de faire évoluer mes propres « croyances » au regard des changements des modes de vie à opérer. »

La formation propose aux auditeurs un espace et un accompagnement pour élaborer leurs problématiques (pourquoi nous n’arrivons pas à transitionner, quelles difficultés rencontrons-nous, qu’est-ce que cela me fait ou suscite comme réaction et questions…), en les reliant aux registres personnel, social et politique qui les composent.  « Je m’attelle aujourd’hui, à mon échelle, à questionner collectivement les représentations que j’identifie (par exemple en questionnant nos besoins de mobilité) et qui seraient susceptibles d’empêcher des transformations systémiques. » Si la formation doit permettre aux auditeurs de conduire ce mouvement réflexif visant à éclairer leurs problématiques en tant que personne/pilote, elle propose par ailleurs de s’en saisir pour animer les collectifs : « Je me rends compte aujourd’hui à quel point l’élaboration collective du questionnement posé est primordiale. L’accompagnement des personnes à donner le meilleur, faire émerger le pouvoir de faire est central pour induire la capacitation des personnes. Prendre soin de la relation plutôt que des points de vue est central. »

« Je souhaiterais à présent pouvoir réaliser un travail au sein de mon organisation avec l’ensemble des « personnes (dé)formées » pour voir comment aujourd’hui, dans nos missions, nous nous sommes appropriés les enseignements et comment dans nos métiers respectifs nous pouvons aller plus loin, voire proposer de nouvelles façons de fonctionner (en interne ou en externe). »

Enfin le parcours est une invitation à faire (différemment) ! Engager le chemin des transitions est affaire d’expérimentation, de tentative, de coopération à engager, d’alliances à construire pour inverser les courbes et construire une culture commune. « La formation m’a fournie des grilles d’analyse renouvelées, des outils d’animation et de conduite de projets pour revisiter la gouvernance des projets (la coopération, le leadership altruiste, etc.). » Parce que les transitions concernent toutes les parties d’une organisation, d’un territoire, la formation propose aussi des pas de côté dans les méthodes d’animation « J’ai testé de nouvelles techniques d’animation pour inspirer les groupes avec lesquels je travaille, ne pas chercher à convaincre, écouter, laisser faire, oser proposer, susciter le désir de poursuivre… ».

Emilie Launay, Cheffe de projet Formation

Pour en savoir plus sur le parcours de (dé)formation et candidater, contactez Emilie : emilie.launay@imt-atlantique.fr