Emmanuel FRANCO, Président
de la communauté de communes du Val de Sarthe
La communauté de communes de Val de Sarthe a commencé la rédaction d’un projet de territoire en octobre 2021. Nous avons pris le temps de le faire, à l’appui d’une large consultation de la population et du parcours de (dé)formation proposé par le Collège qui a été suivi par des élus. Le projet de territoire a été adopté en mars 2022 à l’unanimité du conseil communautaire et des conseils municipaux. Au final, nous aboutissons à un vrai projet de territoire, proposant une approche nouvelle par rapport à ce qui avait été fait lors de mon précédent mandat : ce n’est plus
« une liste à la Prévert » de ce qu’on prévoit de faire pendant la durée du mandat, mais bien un projet organisé autour d’axes forts avec la volonté qu’il se prolonge au-delà de notre mandat.
Le projet de territoire s’organise autour de trois axes :
• faire évoluer les modes de vie ;
• faire évoluer la manière de faire, notamment la coopération avec les communes ;
• faire évoluer les modes d’engagement, pour susciter la participation des citoyens dans nos démarches.
Bien sûr, rédiger un document ne suffit pas ! Il nous fallait aussi des preuves d’amour que nous avons traduites à travers trois projets pilotes.
• l’aménagement d’un chaussidou pour accompagner le développement du vélo en entrée de communes; • la mise en place d’un budget participatif innovant comme première étape d’une véritable démarche d’implication citoyenne ;
• et la construction de piscine, en changeant notre manière de faire pour que celle-ci soit sobre et adaptée aux usages.
Pour faire vivre ce projet de territoire, un groupe de
suivi, qui réunit des conseillers municipaux volontaires, des conseillers communautaires et des agents, a été mis en place. Son objet est de suivre l’évolution des projets pilotes, de questionner et d’évaluer régulièrement les avancées. Cela est indispensable, car nous sommes pleinement lancés dans l’expérimentation et l’innovation. Par exemple, sur l’implication citoyenne, qui à nouveau est indispensable, nous visons à intégrer « du citoyen » sur chacun des projets structurants de l’intercommunalité. À ce titre, il faut bien assumer que nous tâtonnons : nous avançons par ajustements successifs, en mobilisant de l’aide externe, par exemple le CEAS 72 qui nous accompagne. Nous allons aussi organiser des visites apprenantes avec notre collectif d’élus et d’agents pour continuer à cheminer et s’entendre collectivement sur les objectifs et les modalités de mise en œuvre de cette démarche d’implication citoyenne. Ces premières années de mise en œuvre du projet de territoire nous ont permis d’observer de belles réussites, notamment sur le contrat local de santé, les déchets avec une belle mobilisation des habitants et des entreprises.
Un autre élément fort de notre projet de territoire porte sur la formation : plusieurs agents et élus ont suivi ou suivent le parcours de (dé)formation du Collège. Nous avons également mis en place un cycle de formations mixtes (élus et agents communautaires et communaux) sur la durée du mandat. C’est une petite innovation puisque nous avons mobilisé le CNFPT avec l’appui du Collège. La deuxième session de ce parcours pluriannuel est d’ailleurs programmée en 2024 avec pour objectifs d’élargir le cercle des élus et agents concernés, de partager un même niveau d’informations sur les grands enjeux des transitions écologiques et sociétales et susciter de l’engagement pour que les transitions ne soient pas seulement « le truc » du président et de quelques agents.
Bien sûr, nous identifions, voire nous expérimentons au jour le jour, des freins à lever pour conduire notre démarche d’innovation. Par définition, il nous faut apprendre en marchant.
Par exemple, sur l’implication citoyenne, nous sommes partis de zéro. De la concertation à la codécision, il existe toute une échelle qui n’est pas facile d’appréhender de manière abstraite. Nous testons donc des choses. Pour susciter de l’engagement, nous avons décidé de manière pragmatique de lancer un budget participatif, que nous avons préféré nommer
« Place aux initiatives. » Un règlement a été rédigé par le groupe projet réunissant des élus communaux et intercommunaux et des agents. Néanmoins, ce règlement s’avère ne pas être adapté aux attentes des citoyens, car aujourd’hui, nous ne pouvons répondre positivement à des projets que s’ils sont en lien avec les compétences intercommunales. Le règlement exclut donc le soutien de très bons projets qui ont été portés par des collectifs citoyens et qui sont tout à fait dans l’esprit de notre projet de territoire tourné vers les transitions. Cela est bien sûr regrettable et nous devons, à la fois rendre compte et expliciter les raisons pour lesquelles certains projets ne sont pas retenus, tout en cherchant des solutions avec les communes concernées. Cette première étape de notre budget participatif nous amène donc à requestionner notre règlement pour faciliter le soutien des projets qui sont en lien avec les transitions (au-delà des compétences des uns et des autres), ce qui implique notamment de mobiliser davantage les communes dans l’organisation de cette démarche d’implication citoyenne.
De manière plus structurelle, porter des démarches de transitions implique de composer avec des sujets de fond, notamment relatifs à l’organisation territoriale.
C’est le cas notamment concernant notre système électif, qui fait que le président ne constitue pas sa liste communautaire. Il doit faire avec l’engagement des élus au regard de leur obligation professionnelle, de leur historique et de leur intérêt en tant que personne à porter tel ou tel sujet. Il n’est donc pas simple de constituer une équipe réunie autour des transitions. De même, comment peut-on adopter des habitudes de travail nouvelles en trois ans ? Le mode projet, les démarche coopérative, la vision globale… Chaque élu arrive ici avec son bagage, notamment ses habitudes de travail, construit souvent dans le monde de l’entreprise.
En trois ans, nous mesurons le chemin réalisé. Le Val de Sarthe est bien engagé sur le chemin des transitions, sur l’implication citoyenne et sur les modes de vie dont le principe commence à être approprié par la collectivité et au-delà dans les communes.
Néanmoins, il nous reste encore de nombreux freins à lever. À moyen terme, la difficulté que je vois pointer, c’est bien sûr le renouvellement en 2026, dans un contexte de crise de vocation des élus, avec de nombreux maires qui ne pensent pas se représenter. De ce point de vue, pour assurer une continuité dans la mise en œuvre du projet de territoire, avec potentiellement de nouvelles personnes à mobiliser, la formation des élus avec de vrais cycles de formation à concevoir apparaît comme une priorité.